LE BILAN À MI-PARCOURS

Panama Ciudad, Panama - 21/04/2017

Montage photo : Marcello Riso

 

Onze mois après l'envol de l'aéroport Charles de Gaulle à Paris, en direction d'Anchorage en Alaska, l'équipe Anchoraïa a traversé dix pays (Alaska, Canada, États-Unis, Mexique, Guatemala, Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica et Panama) et pas moins de treize mille kilomètres. Arrivés à mi-parcours, dans l'impasse panaméenne, qui nous contraint aujourd'hui de nous envoler vers le Québec et non vers la Colombie (pour plus d'info, voir la vidéo « Tout problème a sa solution... » sur https://www.facebook.com/pg/lesrouesdelasolidarite/videos/?ref=page_internal), nous nous devons de fournir un premier bilan du projet.

 

Pour rappel, l'expédition, portée par l'association Tourne Sol' : les roues de la solidarité, avait initialement pour objet la traversée nord-sud du continent américain à vélo, à la rencontre des écoliers afin de témoigner des disparités scolaires. Ainsi, nous voulions aller d'école en école, questionner les enfants sur leurs conditions de vie scolaire, sur leur ressenti et leurs aspirations futures. L'objectif final devait être la réalisation d'un ouvrage écrit pour une présentation dans les écoles françaises.

 

Sur ce point, notre premier bilan est amer. Nous n'avons rencontré que très peu d'écoles en chemin et avons, de ce fait, à peine matière à établir une comparaison à l'échelle du continent. En réalité, une accumulation d'obligations, couplée à une succession d'impondérables, nous a contraint à nous recentrer autour de l'élément central de l'expédition : le voyage en itinérance à vélo.

 

En voyage à vélo, les journées se suivent et se ressemblent. Elles s'organisent toutes autour d'une succession de tâches indispensables au bon déroulement de l'expédition. Chaque jour, nous devons rechercher le lieu du bivouac, installer et désinstaller le campement, préparer les repas, soigner les petits bobos,  panser, nourrir, examiner (coussinets, passages de sangles, parasites) et soigner le chien, filtrer l'eau, rechercher un point d'eau pour la toilette et la lessive, entretenir les vélos et bien sûr, pédaler une bonne partie de la journée, en respectant le kilométrage de chaque étape, établi en fonction des points de ravitaillement et d'eau. A ces journées bien remplies, se rajoutent la fatigue, les baisses de moral, les aléas météorologiques, les zones de travaux et les ravitaillements parfois inexistants (cela arrive!) qui viennent freiner la progression de l'équipe.

Visiblement, nous avions sous-estimé ces quelques éléments incontournables du voyage à vélo avant le départ. Force est de constater qu'il nous aura fallu traverser la moitié du continent pour faire ce constat : l'expédition à vélo est un défi humain et sportif qui constitue, à lui seul, un « projet » à part entière et qui ne laisse que très peu de place à la greffe d'un autre projet en parallèle.

 

Montage photo : Marcello Riso

 

Rien d'étonnant donc à ce que nous n'ayons pu rencontrer, qu'à de rares occasions, des écoles en chemin ! Par ailleurs, d'autres éléments fâcheux ont accaparé notre attention et gêné plus encore la mise en place de ces rencontres.

Il s'agit tout d'abord de notre départ prématuré du ranch canadien, dans lequel nous avions prévu de passer tout l'hiver. En effet, nous avons quitté le ranch en novembre 2016, plutôt qu'en mai 2017. La neige étant déjà installée dans les Rocheuses, nous avons dû filer vers la côte ouest des Etats-Unis pour rejoindre le Mexique. Nous avons, dès lors, renoncé à un rêve : la traversée des Grandes Rocheuses canadiennes et américaines. Les dates et le tracé de l'itinéraire en Amérique du nord étant modifiés, il nous a fallu revoir l'intégralité de l'itinéraire prévisionnel, afin d'éviter la saison des pluies (cyclones, inondations, routes impraticables) en Amérique centrale et dans certains pays d'Amérique du sud, mais aussi les périodes hivernales dans les Andes et en Patagonie. Le nouvel itinéraire établi, nous avons été poussés par le temps, afin de rester dans la saison sèche en Amérique Centrale et d'éviter la saison des pluies en Bolivie, qui signifie inondations et routes impraticables.

Il s'agit ensuite du problème rencontré avec nos visas lors du passage de la frontière canado-américaine, quand le douanier des Etats-Unis nous a annoncé qu'il ne nous restait que 14 jours pour traverser le territoire ! La route côtière pour rejoindre le Mexique représentant quelques 2800 kilomètres, il nous aurait fallu parcourir pas moins de 200 kilomètres par jour pour atteindre la frontière. Autant dire, qu'avec nos 60 à 70 km quotidiens, nous étions bien loin du compte !  Nous avons donc décidé de faire une demande d'extension de visas (coûteuse!) et de filer au plus vite vers la frontière mexicaine, en nous faisant les plus discrets possible, car, le délai de 14 jours passé, nous étions sous le coup d'une expulsion du territoire américain.

Il s'agit enfin de l'atteinte à la liberté de la presse au Mexique, au Guatemala et au Honduras. Depuis quelques années, de nombreux journalistes font l'objet de menaces, d'agressions, voire d'exécutions au Mexique (50 reporters assassinés depuis 2007 – source : ONG Articulo 19). Les menaces de mort touchent surtout les journalistes qui enquêtent sur des dossiers délicats, liés au crime organisé et aux cartels de la drogue, et qui révèlent des scandales de corruption. Mais le plus inquiétant est que ces crimes restent la plupart du temps impunis, certains élus étant liés au crime organisé. Loin de nous comparer à des journalistes dénonçant la corruption dans le pays, nous nous sommes très vite rendus compte que l'école était un sujet très sensible dans ces pays. Nous avons, à plusieurs reprises éveillé le soupçon chez les habitants, la police et élus locaux. On nous a vite fait comprendre qu'il était malvenu de prendre des photos des écoles (même de l'extérieur) et de s'intéresser au système éducatif national – qui plus est pour une communication (sous-entendu une critique) à l'internationale – et qu'il valait mieux arrêter. Autant dire que nous avons fini par jouer profil bas, ne sortant qu'à de très rares occasions – et très furtivement – l'appareil photo...

 

Aussi, poussés par toutes ces contraintes, nous nous sommes recentrés autour de l'objectif principal de l'expédition : rejoindre Ushuaïa à vélo. Comme expliqué précédemment, obligations du voyage et imprévus rencontrés en chemin font de la seule traversée cycliste du continent une réelle épreuve, dans laquelle, chaque jour, notre motivation, notre forme physique et notre force mentale sont remises en questions.

 

Aujourd'hui, à l'aube du départ pour la deuxième partie de l'expédition, nous nous questionnons sur la tournure que nous allons donner au projet Anchoraïa. Partant du constat que l'expédition à vélo est un défi humain et sportif qui constitue, à lui seul, un « projet » à part entière, nous refusons de reproduire notre erreur en greffant à l'expédition un projet parallèle qui risquerait de nuire à sa réalisation. Nous choisissons donc de nous concentrer sur la ligne d'arrivée et de continuer à être les témoins de notre belle planète, mais aussi de ses périls environnementaux. Effectivement, le fait de rouler doucement à vélo nous permet, jour après jour, d'observer les beautés que Dame Nature nous offre, tout comme les menaces qui la guettent : les dérèglements climatiques, la déforestation, la disparition de certaines espèces, la pollution industrielle et agricole... Par conséquent, nous continuerons à mettre en ligne nos cartes postales « Pour les p'tits Camus » et à mettre à jour notre carnet de route. De même, nous maintenons nos échanges avec l'école Albert Camus de Maignelay-Montigny. A ce sujet, nous avons d'ailleurs proposé à l'école un projet d'éducation à l'environnement, jumelé avec l'école d'El Jobo au Costa Rica, en partenariat avec l'ONG Equipo Tora Carrey, que nous vous présenterons bientôt.

 

L'expédition aura donc toujours une connotation scolaire et environnementale, mais ne restera fixée que sur un seul objectif, celui d'arriver à Ushuaïa, à la pointe sud du continent américain.

 

Néanmoins, ne sachant pas si l'expédition aboutira, comme rêvé, en Terre de Feu, nous tenons d'ores et déjà à remercier vivement nos familles, nos amis, nos sponsors et partenaires, l'école Albert Camus de Maignelay-Montigny, les mécènes et les médias qui nous ont soutenu et sans qui cette première partie du projet n'aurait pu voir le jour. Car, si avant de partir, on nous avait proposé de ne traverser que l'Amérique du nord et l'Amérique centrale jusqu'au Panama, nous aurions, sans hésiter, accepté l'offre et le défi à relever. C'est pourquoi, nous sommes aujourd'hui extrêmement heureux d'avoir pu vivre cette expérience inoubliable !

 

Nous espérons bien entendu que l'aventure ne s'arrêtera pas ici...

 

Les Tourne Sol'


¡ PURA VIDA !

Puerto Jimenez, Costa Rica - 25/03/17

L'Amérique centrale, depuis le Chiapas au Mexique, était de plus en plus chaude. Certaines nuits nous n'arrivions pas à fermer l'œil. Sous la moustiquaire de notre tente, nos corps en nage reposaient sur le tapis de sol moite et brûlant ; nos lèvres suffoquaient à la recherche d'une brise fraîche et légère...qui ne vint jamais. Mais les journées étaient encore plus harassantes. Sous le soleil enclume, nos peaux incandescentes ruisselaient en torrents et nos têtes lourdes semblaient de plomb. Le voyage n'avait jamais été aussi difficile. Même l'ombre, qui manquait cruellement quand l'astre de feu arrivait à son zénith, n'était alors qu'un maigre réconfort.

Puis, le Costa Rica arriva comme une oasis inespérée et féconde. Berceau de l'écotourisme et modèle international de protection environnementale, le pays rassemble à lui seul 6% de la biodiversité mondiale, sur seulement 0,03% de la surface planétaire. Forêts primaires, plages sauvages, montagnes aux jungles impénétrables, volcans en activités, flore luxuriante, faune sauvage en abondance...le Costa Rica se découvre comme un souvenir du Jardin d'Eden, un paradis perdu à demi retrouvé. Car l'Homme, bien sûr est l'acteur omniprésent de cette nature préservée et l'écotourisme croissant en est le moteur.

Alors, malgré les désagréables aspects humains, sociologiques et financiers que peut parfois engendrer l'activité touristique, le Costa Rica fut une véritable réjouissance pour nos oreilles et nos yeux, du cri impressionnant du singe hurleur aux couleurs chatoyantes de l'ara rouge. Comme des enfants ébahis devant un décor fabuleux, nous eûmes, à certains endroits, l'impression d'être des explorateurs découvrant des îles vierges et lointaines. Le Costa Rica se découvre comme cela, comme un tableau aux milles formes et aux milles couleurs.

 

Les Tourne Sol'

Les photos de l'Amérique centrale, du Salvador au Panama :